« Il venait d’une ville noire, pas autant que cette nuit de désastre
mais bien sombre tout de même, il venait d’une ville noire, les pêchers,
il avait trouvé ça très beau. »
Embauché sur le chantier du barrage de Malpasset, près de Fréjus – qui
va « changer la vie des gens », s’enthousiasme son ami René –, François
quitte Ugine, la ville-usine, et son enfance silencieuse. Il découvre
avec émerveillement la vallée rose, les bains de mer, la photo, les
conversations politiques des camarades ouvriers. Et il tombe amoureux de
Louise Cassagne, la fille d’un producteur de pêches. « Pas une fille
pour toi », lui dit-on. Pourtant c’est elle qui lui donne le monde, et
François croit en ce cadeau autant qu’en la solidité du barrage.
De son écriture envoûtante et ciselée, Maryline Desbiolles retrace avec une grande justesse la violence de la rupture.
Deuxième lecture pour l'évènement de la médiathèque vers chez moi !
La
rupture, ce sera celle du barrage du Malpasset au-dessus de Fréjus, le 2
décembre 1959 emportant plus de quatre-cents habitants sous une vague
culminant jusqu’à cent mètres de hauteur. Un barrage qu’aura contribué à
construire François, un brave gars taiseux, sans histoire, venu de la
vallée d’Ugine.
Mais derrière cette tragédie qu’évoquera l’auteur
à la toute fin de son court roman et qui sert de fil conducteur se
trouvent en fait une série ininterrompue de ruptures qu’évoque le plus
souvent sobrement, voire de façon elliptique Maryline Desbiolles.
Rupture d’un jeune garçon d’avec un père qui disparaîtra à jamais sans
laisser de trace lors de la seconde guerre mondiale. Raflé, mort, enfui ?
Nul ne le sait. Rupture avec son ami d’enfance René dont il partage la
chambre alloué aux célibataires ouvriers venus travailler sur le barrage
au fur et à mesure de la radicalisation communiste de son compagnon de
chambrée. Rupture avec lui-même lors qu’appelé sous les drapeaux en
Algérie, il découvre la brutalité de la guerre et la folie des hommes.
Rupture amoureuse avec Louise, une jeune femme rencontrée par hasard
alors qu’il travaillait sur le barrage et avec laquelle il découvrit les
joies des corps amoureux mais dont il ne retrouvera jamais la trace
malgré l’attente et l’espoir de retrouvailles une fois de retour
d’Afrique.
Au fond, la vie de François est comme ce barrage qu’il
a contribué à édifier. Solide en apparence, paisible et rassurante
jusqu’à ce que les circonstances (une pluie torrentielle continue pour
l’ouvrage d’art, la guerre, les qui pro quo, les outrances pour l’homme)
finissent par faire tout exploser provoquant alors d’irrémédiables
ravages et destructions .
A son habitude, Maryline Desbiolles
sait rendre compte de ces drames avec beaucoup de pudeur, de délicatesse
et une certaine poésie aussi.
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